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Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome II.djvu/139

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THÉOLOGICO-POLITIQUE.

CHAPITRE IV

DE LA LOI DIVINE

Le nom de loi, pris d’une manière absolue, signifie ce qui impose une manière d’agir fixe et déterminée à un individu quelconque, ou à tous les individus de la même espèce, ou seulement à quelques-uns. Cette loi dépend d’une nécessité naturelle, ou de la volonté des hommes : d’une nécessité naturelle, si elle résulte nécessairement de la nature même ou de la définition des choses ; de la volonté des hommes, si les hommes l’établissent pour la sécurité et la commodité de la vie, ou pour d’autres raisons semblables. Dans ce dernier cas, elle constitue proprement le droit. Par exemple, que tout corps qui choque un corps plus petit perde de son propre mouvement ce qu’il en communique à l’autre, voilà une loi universelle des corps qui résulte nécessairement de leur nature. De même encore, c’est une loi fondée sur la nécessité de la nature humaine, que le souvenir d’un certain objet rappelle à l’âme un objet semblable ou qu’elle a perçu en même temps que le premier. Mais quand les hommes cèdent ou sont forcés de céder une partie du droit qu’ils tiennent de la nature, et s’astreignent à un genre de vie déterminé, je dis que cela dépend de leur bon plaisir. Ce n’est pas que je n’accorde pleinement que toutes choses, sans exception, sont déterminées par les lois universelles de la nature à exister et à agir d’une manière donnée[1] ; mais il y a deux raisons qui me font dire que certaines lois dépendent du bon plaisir des hommes. 1° L’homme, en tant qu’il est une partie de la Nature, constitue une partie de la puissance de la Nature. Par conséquent, tout ce qui résulte nécessairement de la nature humaine,

  1. Voyez Éthique, part. 1, Propos. 29.