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TRAITÉ

c’est-à-dire de la Nature en tant qu’on la conçoit déterminée par la nature humaine, tout cela résulte, bien que nécessairement, de la puissance de l’homme : d’où il suit qu’on peut dire, en un sens excellent, que l’établissement des lois de cette espèce dépend du bon plaisir des hommes. Elles dépendent en effet de leur puissance, à ce point que la nature humaine, en tant qu’elle perçoit les choses comme vraies ou fausses, se peut comprendre très-clairement, abstraction faite de ces lois, tandis qu’elle est inintelligible sans ces autres lois nécessaires que nous avons définies plus haut. 2° Ma seconde raison, c’est que nous devons définir et expliquer les choses par leurs causes prochaines. Or, la considération du fatum en général et de l’enchaînement des causes ne peut nous servir de rien pour former et lier nos pensées touchant les choses particulières. J’ajoute que nous ignorons complètement la coordination véritable et le réel enchaînement des choses ; et par conséquent il vaut mieux pour l’usage de la vie, et il est même indispensable de considérer les choses, non comme nécessaires, mais comme possibles. Je n’en dirai pas davantage sur la loi prise d’une manière absolue.

Mais comme ce mot de loi semble avoir été appliqué aux choses naturelles par extension, et qu’on n’entend communément par loi rien autre chose qu’un commandement que les hommes peuvent accomplir ou négliger, parce qu’il se borne à retenir la puissance humaine en des limites qu’elle peut franchir, et n’impose rien qui surpasse les forces de l’homme, il semble nécessaire de définir la loi dans un sens plus particulier : une règle de conduite que l’homme s’impose et impose à autrui pour une certaine fin. Toutefois, comme la véritable fin des lois n’est aperçue d’ordinaire que par un petit nombre, la plupart des hommes étant incapables de la comprendre et de régler leur vie suivant la raison, voici le parti qu’ont pris les législateurs afin d’obliger également tous les hommes à l’obéissance : ils leur ont proposé une fin