Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome II.djvu/142

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
74
TRAITÉ

nom de divine, c’est la nature même du souverain bien, que je vais expliquer ici en peu de mots et le plus clairement qu’il me sera possible.

La meilleure partie de nous-mêmes, c’est l’entendement. Si donc nous voulons chercher ce qui nous est véritablement utile, nous devons nous efforcer de donner à notre entendement toute la perfection possible, puisque notre souverain bien consiste en cette perfection même. Or, comme toute la connaissance humaine et toute certitude parfaite dépendent exclusivement de la connaissance de Dieu, soit parce que sans Dieu rien ne peut exister ni être conçu[1], soit parce qu’on peut douter de toutes choses tant qu’on n’a pas une idée claire et distincte de Dieu[2], il s’ensuit clairement que c’est à la connaissance de Dieu, et à elle seule, que notre souverain bien et toute perfection sont attachés. De plus, rien ne pouvant être ni être conçu sans Dieu, il est certain que tout ce qui est dans la nature, considéré dans son essence et dans sa perfection, enveloppe et exprime le concept de Dieu ; d’où il résulte qu’à mesure que nous connaissons davantage les choses naturelles[3], nous acquérons de Dieu une connaissance plus grande et plus parfaite ; en d’autres termes (puisque connaître l’effet par sa cause, ce n’est autre chose que connaître une des propriétés de cette cause), à mesure que nous connaissons davantage les choses naturelles, nous connaissons d’une façon plus parfaite l’essence de Dieu, laquelle est cause de tout le reste. Et, par conséquent, toute la connaissance humaine, c’est-à-dire le souverain bien de l’homme, non-seulement dépend de la connaissance de Dieu, mais y est contenu tout entier. Cette conséquence, du reste, peut aussi être déduite d’un autre principe, savoir : que la perfection de l’homme croît en raison de la nature et de la perfec-

  1. Voyez Éthique, part. 1, Propos. 15.
  2. Voyez De intell. emend., passim.
  3. Voyez Éthique, part. 5, Propos. 24 et suiv.