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Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome II.djvu/151

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THÉOLOGICO-POLITIQUE.

des vérités éternelles, et enveloppent toujours l’absolue nécessité. Voilà le premier point que nous nous proposions d’éclaircir.

Arrivons maintenant au second point, et voyons, en parcourant les saintes Écritures, ce qu’elles nous enseignent touchant la lumière naturelle et la loi divine. Ce que nous rencontrons tout d’abord, c’est l’histoire du premier homme, où il est dit que Dieu ordonna à Adam de ne point toucher au fruit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal. Que signifie ce récit ? Il me semble qu’il faut entendre que Dieu ordonna à Adam de faire le bien en tant que bien, et non pas comme contraire du mal ; c’est-à-dire de faire le bien par amour du bien, et non par crainte du mal. Car, comme nous l’avons déjà montré, celui qui fait le bien par connaissance véritable et par amour du bien agit d’une âme libre et constante ; au lieu que celui que la crainte seule du mal porte au bien agit en esclave, sous la contrainte du mal, et comme dominé par une force étrangère. Par conséquent, l’ordre que Dieu donne à Adam embrasse toute la loi divine naturelle, et se trouve en parfait accord avec les commandements de la raison universelle. Or, je ne crois pas qu’il fût difficile d’expliquer dans le même esprit toute cette histoire, ou pour mieux dire toute cette parabole du premier homme ; mais j’aime mieux laisser là cette entreprise, soit parce qu’il m’est impossible d’être absolument certain que mes explications répondent exactement à la pensée de l’écrivain sacré, soit encore parce qu’on admet généralement que cette histoire du premier homme est un récit pur et simple et non pas une parabole. Il est donc beaucoup plus à propos que je continue de citer des passages de l’Écriture, et principalement ceux qui sont sortis de la bouche d’un homme qui a surpassé tous les sages de son temps par la force de sa raison, et dont les discours, quoique inspirés par la seule lumière naturelle, n’ont pas une autorité moins sainte aux yeux de tous que ceux mêmes des prophètes.