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Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome II.djvu/169

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THÉOLOGICO-POLITIQUE.

temps de Moïse n’ont pu connaître la vérité sur Dieu avec autant de facilité que les contemporains d’Hesdras. Mais tout ceci sera expliqué plus longuement dans la suite de cet ouvrage.

Le peuple n’est donc obligé de connaître que ceux d’entre les récits historiques de l’Écriture qui portent les âmes avec plus de force à l’obéissance et à la dévotion. Or il n’est pas capable de faire lui-même ce discernement, puisque ce qui le charme par-dessus tout, ce n’est pas la doctrine morale contenue dans les récits, c’est bien plutôt le récit lui-même, avec les circonstances singulières et imprévues qui s’y rencontrent. Voilà pourquoi le peuple a besoin non-seulement de la connaissance de l’Écriture, mais de pasteurs, de ministres de l’Église, qui lui donnent un enseignement proportionné à la faiblesse de son intelligence. Mais, pour ne point nous écarter de notre sujet, revenons à la conclusion que nous voulons établir, savoir : que la croyance aux récits historiques, quels que soient ces récits, n’a rien à voir avec la loi divine, et ne peut par elle-même conduire les hommes à la béatitude ; enfin, que cette croyance n’a d’autre utilité que celle de la doctrine qui y est contenue, laquelle peut seule rendre certains récits historiques préférables à d’autres récits. C’est sous ce point de vue que les récits de l’Ancien et du Nouveau Testament sont supérieurs à ceux de l’histoire profane, et se distinguent entre eux par des degrés divers d’excellence, suivant qu’on en peut tirer des croyances plus ou moins salutaires. Si donc quelqu’un se met à lire l’Écriture et ajoute foi à tous ses récits sans faire attention à la doctrine qui en découle et sans s’appliquer à devenir meilleur, c’est exactement comme s’il lisait l’Alcoran, ou des poèmes dramatiques, ou du moins ces histoires ordinaires que tout le monde lit avec distraction ; tandis qu’au contraire celui qui ne connaît l’Écriture en aucune façon, mais dont l’âme est pleine de croyances salutaires et la conduite réglée par la raison,