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Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome II.djvu/179

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THÉOLOGICO-POLITIQUE.

que toutes ces vérités se déduisent infiniment mieux de l’ordre fixe et immuable de la nature.

En concluant de la sorte, j’entends par miracle ce qui surpasse ou ce qu’on croit qui surpasse la portée de l’intelligence humaine. Car si l’on appelle miracle un bouleversement de l’ordre de la nature, ou une interruption de son cours, ou un fait qui contrarie ses lois, il faut dire alors, non plus seulement qu’un miracle ne pourrait donner aucune connaissance de Dieu, mais qu’il irait jusqu’à détruire celle que nous avons naturellement, et à nous faire douter de Dieu et de toutes choses. Je ne reconnais ici aucune différence entre un phénomène contraire à la nature et un phénomène au-dessus de la nature (par où l’on entend un phénomène qui, sans être contraire à la nature, ne peut être produit ou effectué par elle) ; un miracle en effet ne s’accomplissant pas hors de la nature, mais dans la nature elle-même, on a beau dire qu’il est seulement au-dessus d’elle, il faut nécessairement qu’il en interrompe le cours. Or, d’un autre côté, nous concevons le cours de la nature comme fixe et immuable par les propres décrets de Dieu. Si donc un phénomène se produisait dans la nature qui ne fût point conforme à ses lois, on devrait admettre de toute nécessité qu’il leur est contraire, et qu’il renverse l’ordre que Dieu a établi dans l’univers en lui donnant des lois générales pour le régler éternellement. D’où il faut conclure que la croyance aux miracles devrait conduire au doute universel et à l’athéisme. Je considère donc mon second principe comme parfaitement établi, c’est à savoir qu’un miracle, de quelque façon qu’on l’entende, contraire à la nature ou au-dessus d’elle, est purement et simplement une absurdité, et qu’il ne faut voir dans les miracles des saintes Écritures que des phénomènes naturels qui surpassent ou qu’on croit qui surpassent la portée de l’intelligence humaine.

Mais, avant d’arriver à mon troisième point, je veux confirmer par l’Écriture cette doctrine que les miracles ne nous font point connaître Dieu. L’Écriture ne dit cela