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TRAITÉ

Comment faire en ces rencontres pour découvrir la pensée des prophètes au moyen de l’histoire de l’Écriture ? c’est ce que je vais expliquer brièvement. Il faut premièrement suivre le même ordre dont nous avons déjà parlé, et commencer par les choses les plus générales, en s’efforçant avant tout d’apprendre par les plus clairs endroits de l’Écriture ce que c’est que prophétie ou révélation, et en quoi elle consiste principalement. Il faut examiner ensuite la nature du miracle, et continuer ainsi d’éclaircir les notions les plus générales qui se rencontrent dans les livres saints. De là il faut descendre aux opinions particulières de chaque prophète, et enfin au sens de chaque révélation ou prophétie, de chaque récit historique, de chaque miracle. De quelle précaution il convient d’user dans cette recherche pour ne point confondre la pensée des prophètes et des historiens avec celle du Saint-Esprit et la vérité même de la chose, c’est ce que j’ai précédemment rendu sensible par plusieurs exemples. C’est pourquoi je n’insisterai pas ici sur ce point, me bornant à ajouter, touchant le sens des révélations, que cette méthode nous fait découvrir seulement ce que les prophètes ont vu ou entendu, et non pas ce qu’ils ont voulu exprimer ou représenter au moyen de ces symboles. Cela peut sans doute se deviner ; mais cela ne peut se déduire rigoureusement des paroles de l’Écriture.

Voilà donc la vraie méthode pour interpréter l’Écriture sainte, et il est bien établi qu’elle est la voie la plus sûre, la voie unique qui nous fasse pénétrer jusqu’à son véritable sens. J’avoue que si l’on avait entre les mains, par une tradition certaine, l’explication véritable des prophéties recueillie de la bouche même des prophètes, et telle que les pharisiens se vantent de la posséder, ou bien si l’on pouvait s’adresser, comme font les catholiques romains, à un pontife qui, à les en croire, est infaillible dans l’interprétation des livres saints, j’avoue alors que l’on posséderait une certitude plus grande que celle que je propose ; mais comme cette prétendue tra-