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XXIII
la vie de spinoza.

très-certainement vraie et qu’elle rend à nos consciences un témoignage assuré de sa vérité, qu’elle est enfin un juge dont les décisions doivent être la règle ferme et inébranlable de nos sentiments, de nos pensées, de notre foi et de notre vie ? C’est alors qu’on pourrait bien dire que la sainte Bible n’est qu’un nez de cire qu’on tourne et forme comme on veut, une lunette ou un verre au travers de qui un chacun peut voir justement ce qui plaît à son imagination, un vrai bonnet de fou qu’on ajuste et tourne à sa fantaisie en cent manières différentes après s’en être coiffé. Le Seigneur te confonde, Satan, et te ferme la bouche !

Spitzelius ne se contente pas de dire ce qu’il pense de ce livre pernicieux, il joint au jugement qu’il en fait celui de M. Manseveld, ci-devant professeur à Utrecht, qui, dans un livre qu’il fit imprimer à Amsterdam en 1674, en parle en ces termes : « Nous estimons que ce Traité doit être à jamais enseveli dans les ténèbres du plus profond oubli : Tractatum hunc ad æternas damnamdum tenebras, etc. » Ce qui est bien judicieux, puisque ce malheureux Traité renverse de fond en comble la religion chrétienne, en ôtant toute autorité aux livres sacrés, sur qui elle est uniquement fondée et établie.

Le second témoignage que je veux produire est celui du sieur Guillaume Van Blyenburg, de Dordrecht, qui a entretenu un long commerce de lettres avec Spinoza, et qui, dans sa trente et unième, insérée dans les Œuvres posthumes de Spinoza, page 476, dit, en parlant de lui-même, qu’il n’a embrassé aucun parti ou vocation, et qu’il subsiste par un négoce honnête qu’il exerce : Liber sum, nulli adstrictus professioni ; honestis mercaturis me alo. Ce marchand, homme savant, dans la préface d’un ouvrage qui porte pour titre : la Vérité de la Religion chrétienne, imprimé à Leyde en 1674, exprime ainsi le jugement qu’il fait du Traité de Spinoza : « C’est un livre, dit-il, rempli de découvertes curieuses, mais abominables, dont la science et les recherches ne peuvent avoir été puisées qu’en enfer. Il n’y a point de chrétien ni même d’homme de bon sens qui ne doive avoir un tel livre en horreur. L’auteur tâche d’y ruiner la religion chrétienne et toutes nos espérances qui en dépendent ; au lieu de quoi il introduit l’athéisme, ou tout au plus une religion naturelle forgée selon le caprice ou l’intérêt des souverains. Le mal y est uniquement réprimé par la crainte du châtiment ; mais, quand on ne craint ni bourreau