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Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome II.djvu/260

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chaldéen. Si ce point était une fois bien établi, nous y trouverions un éclatant témoignage de la vérité de ce principe, que la Bible ne doit pas son caractère de livre saint aux paroles et aux discours qu’elle contient, ou à la langue où elle est écrite, mais aux choses mêmes que l’intelligence y découvre ; et par conséquent tous les livres qui contiennent des récits et des renseignements d’une moralité excellente, en quelque langue qu’ils soient écrits, chez quelque nation qu’on les rencontre, sont également sacrés. Quoi qu’il en soit, nous pouvons toujours noter ici que les sept premiers chapitres de Daniel ont été écrits en chaldéen, et qu’ils n’en sont pas réputés moins sacrés que tout le reste de la Bible.

Le premier livre d’Hezras est si étroitement lié à celui de Daniel, qu’il est aisé d’y reconnaître l’ouvrage d’un seul et même auteur, qui continue dans ce dernier livre à exposer l’histoire des Juifs depuis leur première captivité.

Pour le livre d’Esther, je n’hésite pas à le rattacher à celui d’Hezras, la conjonction par où il commence ne pouvant s’interpréter dans un autre sens. Et il ne faut pas croire que ce livre d’Esther soit celui que Mardochée a écrit, puisqu’au chapitre IX (vers. 20, 21, 22) un autre que Mardochée parle de Mardochée lui-même, des lettres qu’il a écrites et de ce qu’elles contenaient. De plus, il est dit au verset 31 du même chapitre que la reine Esther avait confirmé par un édit toutes les sûretés relatives à la célébration de la fête des Sorts (Purim), et qu’on avait écrit cet édit dans le Livre, c’est-à-dire, en langage hébraïque, dans un livre parfaitement connu de tous à cette époque. Or il faut bien avouer ici, comme le fait Aben-Hezra, que ce livre a péri avec les autres. Enfin, le reste de l’histoire de Mardochée est emprunté aux chroniques des rois de Perse. C’est donc une chose certaine que le livre d’Esther est l’ouvrage du même historien qui a écrit le livre de Daniel, celui d’Hezras, et sans doute aussi celui de Néhémias[1], qu’on appelle le

  1. Voyez les Notes marginales de Spinoza, note 23.