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XXX
la vie de spinoza.

l’autre à l’occasion de ce Traité[1], et que Kuyper, dans les accusations qu’il formait contre son adversaire, ne prétendait pas moins que de le convaincre lui-même d’athéisme.

L’année 1676 vit paraître le traité de morale de Lambert Veldhuis d’Utrecht : De la Pudeur naturelle et de la dignité de l’homme (Lamberti Velthusii Ultrajectensis tractatus moralis de naturali pudore et dignitate hominis). Il renverse en ce Traité de fond en comble les principes sur lesquels Spinoza a prétendu établir que ce que l’homme fait de bien et de mal est produit par une opération supérieure et nécessaire de Dieu ou de la nature. J’ai fait mention ci-dessus de Jean Bredenbourg, marchand de Dort, qui dès l’an 1674 se mit sur les rangs et réfuta le livre impie de Spinoza qui a pour titre : Tractatus theologico politicus. Je ne puis ici m’empêcher de le comparer à ce marchand dont le Sauveur parle en saint Matthieu, chapitre XIII, v. 45 et 46, puisque ce ne sont point des richesses temporelles et périssables qu’il nous présente en donnant son livre au public, mais un trésor d’un prix inestimable et qui ne périra jamais ; et il serait fort à souhaiter qu’il se trouvât beaucoup de semblables marchands sur les bourses d’Amsterdam et de Rotterdam.

Nos théologiens de la confession d’Augsbourg se sont aussi distingués parmi ceux qui ont réfuté les impiétés de Spinoza. À peine son Tractatus theologico politicus vit le jour, qu’ils prirent la plume et écrivirent contre lui. On peut mettre à leur tête le docteur Musæus, professeur en théologie à Iéna, homme de grand génie, qui dans son temps n’eut peut-être pas son semblable. Pendant la vie de Spinoza, à savoir en l’année 1674, il publia une dissertation de douze feuilles, dont le titre était : Tractatus theologico politicus ad veritatis lumen examinatus (le Traité de théologie et de politique examiné par les lumières du bon sens et de la vérité). Il déclare aux pages 2 et 3 l’aversion qu’il a pour une production si impie et l’exprime en ces termes : Jure merito quis dubitet num ex illis quos ipse dæmon ad humana divinaque jura pervertenda magno numero conduxit, repertus fuerit qui in iis depravandis operosior fuerit quam hic impostor, magno Ecclesiæ malo et Reipublicæ detrimento natus : « Le diable séduit un grand nombre d’hommes, qui semblent tous être à ses gages et s’attachent

  1. Voyez Bayle, Dictionn. crit., p. 2704.