Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome II.djvu/329

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toyen ou un sujet est forcé de subir quelque tort de la part d’un autre, au mépris du droit civil ou de l’édit du souverain. Le dommage ne peut se concevoir que dans l’ordre civil ; mais il ne peut provenir du souverain, qui a le droit de tout faire à l’égard de ses sujets : il ne peut donc avoir lieu que de la part des particuliers, qui sont obligés par le droit de se respecter les uns les autres. — La justice est la ferme résolution de rendre à chacun ce qui lui est dû d’après le droit civil ; l’injustice consiste à ôter à quelqu’un, sous prétexte de droit, ce qui lui est dû d’après une interprétation légitime des lois. On donne aussi à la justice et à l’injustice les noms d’équité et d’iniquité, parce que ceux qui sont chargés de juger les procès ne doivent avoir aucun égard pour les personnes, les tenir pour égales, et défendre également leurs droits, sans envier la fortune du riche et sans mépriser le pauvre. — Les alliés sont les hommes de deux cités différentes qui, pour échapper aux dangers des hasards de la guerre ou pour toute autre raison d’intérêt, conviennent ensemble de ne pas se nuire les uns aux autres, et tout au contraire, de se prêter secours en cas de nécessité ; bien entendu que chacun continue de garder respectivement ses droits et son autorité. Ce contrat sera valide tant que subsistera ce qui en a été le fondement, savoir, un motif de danger ou d’intérêt ; car personne ne fait alliance et n’est tenu au respect de ses conventions, si ce n’est dans l’espoir de quelque bien ou dans l’appréhension de quelque mal : ôtez ce fondement, et l’alliance croule d’elle-même. C’est aussi ce que l’expérience démontre surabondamment ; car des États différents ont beau se jurer une assistance mutuelle, ils n’en font pas moins tous leurs efforts pour s’empêcher réciproquement d’étendre leurs limites, et ils n’ont confiance dans leurs paroles qu’autant qu’ils sont bien convaincus de l’intérêt que l’alliance offre à chacune des parties ; autrement ils craignent d’être trompés, et ce n’est pas sans raison. Peut-on, en effet, à moins d’être insensé et d'i-