Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome II.djvu/366

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gagner le peuple, donnant leur approbation à toutes les actions de la multitude, même les plus impies, et accommodant les saintes Écritures à la corruption des mœurs les plus dissolues. J’invoquerai sur ce point le témoignage de Malachie ; il réprimande avec énergie les prêtres de son temps, les appelle les contempteurs du nom de Dieu, et les poursuit de ces reproches sévères : « Les livres du pontife sont le sanctuaire de la science, et c’est de sa bouche qu’on vient apprendre la loi, parce qu’il est l’envoyé de Dieu ; mais vous, vous vous êtes écartés de la droite voie, et vous avez fait de la loi un sujet de scandale pour plusieurs : Vous avez corrompu le pacte fait avec Lévi, dit le Dieu des armées. » Et, continuant de la sorte, il les accuse d’interpréter la loi selon leur bon plaisir, et dans l’oubli de Dieu, de ne songer qu’à leur intérêt. Or il est certain que les pontifes ne purent commettre ces infidélités si adroitement qu’elles échappassent aux regards des sages, surtout lorsque, dans l’excès de leur audace, ils en vinrent à prétendre qu’il n’y avait de rigoureusement observables que les lois écrites, et que, quant aux décrets que les pharisiens (les pharisiens, comme l’atteste Josèphe dans ses Antiquités, se recrutaient dans les derniers rangs du peuple) appelaient la tradition de leurs pères, rien ne commandait de la respecter. Quoi qu’il en soit, on ne saurait douter que l’esprit de flatterie des pontifes envers le peuple, la corruption de la religion et des lois, et l’incroyable accroissement de ces dernières, n’aient été fréquemment l’occasion de querelles et de dissensions que rien ne put apaiser. Quand des hommes égarés par la superstition se divisent et luttent entre eux, soutenus les uns et les autres par l’autorité publique, vous essayeriez en vain de les réunir et de rétablir entre eux la concorde ; c’est une nécessité qu’ils se détachent les uns des autres et forment des sectes diverses.

II. Il est digne de remarque que les prophètes, qui n’étaient rien dans l’État, par le pouvoir qu’ils avaient de distribuer les avertissements et les reproches irri-