Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome II.djvu/384

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

puissance divine, irritèrent plutôt qu’ils ne corrigèrent les Hébreux ? C’est qu’ils étaient de simples particuliers ; et dès lors le pouvoir qu’ils avaient de répandre les avertissements, le blâme et le reproche, ne leur servit de rien devant des hommes qui, avertis ou châtiés par les rois, se soumettaient pourtant très-docilement. N’avons-nous pas vu les rois eux-mêmes, par cela seul qu’ils ne possédaient pas d’une manière absolue le droit divin, se séparer souvent de la religion et entraîner avec eux le peuple presque tout entier ? Cela ne s’est-il pas reproduit souvent, et pour la même cause, parmi les chrétiens ? On me dira peut-être : qui donc, si ceux qui ont le pouvoir en main deviennent impies, vengera les droits outragés de la piété ? ces rois impies demeureront-ils donc les interprètes de la religion ? Je réponds en disant à mon tour : Hé quoi, si les gens d’Église (qui sont des hommes, eux aussi, des hommes privés, et qui ne se préoccupent guère que de leurs intérêts), ou les autres personnes auxquelles vous voulez confier l’administration des choses sacrées se jettent dans l’impiété, demeureront-ils même alors les interprètes de la religion ? Point de doute que si ceux qui ont le commandement en main veulent lâcher la bride à leurs passions, qu’ils possèdent ou ne possèdent pas l’administration des choses sacrées, toutes choses sacrées et profanes ne se précipiteront pas moins à leur ruine ; mais avec combien plus de rapidité encore, si quelques hommes privés, à la faveur d’une sédition, veulent revendiquer le droit divin ! Voilà pourquoi on ne gagne absolument rien en refusant au souverain le droit divin : loin de là, on ne fait qu’accroître le mal. Qu’arrive-t-il, en effet ? c’est que les rois (par exemple, ceux des Hébreux auxquels ce droit ne fut point accordé d’une manière absolue) tombent dans l’impiété, et conséquemment, que la perte de l’État tout entier, d’incertaine et de possible qu’elle était, devient certaine et nécessaire. Soit donc que nous considérions la vérité du précepte en lui-même, ou la