Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome II.djvu/472

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leurs successeurs, prendraient de grandes licences en toutes choses, et cela sans aucune opposition du Roi. Car, plus ils se sentiraient odieux aux citoyens, plus ils seraient disposés à se serrer autour du Roi, et à se faire ses flatteurs. A ce compte un intervalle de cinq années paraît encore trop long, cet espace de temps pouvant suffire pour corrompre par des présents ou des faveurs la plus grande partie du Conseil, si nombreux qu’il soit, et par conséquent le mieux sera de renvoyer chaque année deux membres de chaque famille pour être remplacés par deux membres nouveaux (je suppose qu’on a pris dans chaque famille cinq conseillers), excepté l’année où le jurisconsulte d’une famille se retirera et fera place à un nouvel élu.

14. Il semble qu’aucun roi ne puisse se promettre autant de sécurité qu’en aura le Roi de notre État. Car outre que les rois sont exposés à périr aussitôt que leur armée ne les défend plus, il est certain que leur plus grand péril vient toujours de ceux qui leur tiennent de plus près. A mesure donc que les conseillers seront moins nombreux, et partant plus puissants, le Roi courra un plus grand risque qu’ils ne lui ravissent le pouvoir pour le transférer à un autre. Rien n’effraya plus le roi David que de voir que son conseiller Achitophal avait embrassé le parti d’Absalon 3. Ajoutez à cela que lorsque l’autorité a été concentrée tout entière dans les mains d’un seul homme, il est beaucoup plus facile de la transporter en d’autres mains. C’est ainsi que deux simples soldats entreprirent de faire un empereur, et ils le firent 4. Je ne parle pas des artifices et des ruses que les conseillers ne manquent pas d’employer dans la crainte de devenir un objet d’envie pour le souverain naturellement jaloux des hommes trop en évidence ; et quiconque a lu l’histoire ne peut ignorer que la plupart du temps ce qui a perdu les conseillers des rois, c’est un