Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome II.djvu/473

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excès de confiance, d’où il faut bien conclure qu’ils ont besoin, pour se sauver, non pas d’être fidèles, mais d’être habiles. Mais si les conseillers sont tellement nombreux qu’ils ne puissent pas se mettre d’accord pour un même crime, si d’ailleurs ils sont tous égaux et ne gardent pas leurs fonctions plus de quatre ans, ils ne peuvent plus être dangereux pour le Roi, à moins qu’il ne veuille attenter à leur liberté et qu’il n’offense par là tous les citoyens. Car, comme le remarque fort bien Perezius 5, l’usage du pouvoir absolu est fort périlleux au prince, fort odieux aux sujets, et contraire à toutes les institutions divines et humaines, comme le prouvent d’innombrables exemples.

15. Outre les principes qui viennent d’être établis, j’ai indiqué dans le chapitre précédent plusieurs autres conditions fondamentales d’où résulte pour le Roi la sécurité dans le pouvoir et pour les citoyens la sécurité dans la paix et dans la liberté. Je développerai ces conditions au lieu convenable ; mais j’ai voulu d’abord exposer tout ce qui se rapporte au Conseil suprême comme étant d’une importance supérieure. Je vais maintenant reprendre les choses dans l’ordre déjà tracé.

16. Que les citoyens soient d’autant plus puissants et par conséquent d’autant plus leurs maîtres qu’ils ont de plus grandes villes et mieux fortifiées, c’est ce qui ne peut faire l’objet d’un doute. A mesure, en effet, que le lieu de leur résidence est plus sûr, ils peuvent mieux protéger leur liberté, et avoir moins à redouter l’ennemi du dehors ou celui du dedans ; et il est certain que les hommes veillent naturellement à leur sécurité avec d’autant plus de soin qu’ils sont plus puissants par leurs richesses. Quant aux villes qui ont besoin, pour se conserver, de la puissance d’autrui, elles n’ont pas un droit égal à celui de l’autorité qui les protège ; mais en tant qu’elles ont besoin de la puissance d’autrui, elles tombent