Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome II.djvu/487

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souverain restera toujours entre les mains de ceux que le sort a faits fils ou parents de patriciens. Et comme sur cent individus que le sort fait monter aux honneurs, il s’en rencontre à peine trois qui aient une capacité éminente, il s’ensuit que le gouvernement de l’État ne sera pas entre les mains de cent individus, mais de deux ou trois seulement d’un talent supérieur qui entraîneront tout le reste ; et chacun d’eux, selon le commun penchant de la nature humaine, cherchera à se frayer une voie vers la monarchie. Par conséquent, dans un empire qui par son étendue exige au moins cent hommes éminents, il faut, si nous calculons bien, que le pouvoir soit déféré à cinq mille patriciens pour le moins. De cette manière, en effet, on ne manquera jamais de trouver cent individus éminents, en supposant toutefois que sur cinquante personnes qui aspirent aux honneurs et qui les obtiennent, on trouve toujours un individu qui ne soit pas inférieur aux meilleurs, outre ceux qui tâchent d’égaler leurs vertus et qui à ce titre sont également dignes de gouverner.

3. Il arrive le plus souvent que les patriciens appartiennent à une seule ville qui est la capitale de tout l’empire et qui donne son nom à l’État ou à la république, comme par exemple cela s’est vu dans les républiques de Rome, de Venise, de Gênes, etc. Au contraire, la république des Hollandais tire son nom de la province tout entière, d’où il arrive que les sujets de ce gouvernement jouissent d’une plus grande liberté.

Mais avant de déterminer les conditions fondamentales du gouvernement aristocratique, remarquons la différence énorme qui existe entre un pouvoir confié à un seul homme et celui qui est entre les mains d’une assemblée suffisamment nombreuse. Et d’abord la puissance d’un seul homme est toujours disproportionnée au fardeau de tout l’empire (comme nous l’avons fait voir, article 5 du chapitre VI), inconvénient qui n’existe pas pour une assemblée suffisamment nombreuse ; car, du