Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome II.djvu/488

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moment que vous la reconnaissez telle, vous accordez qu’elle est capable de suffire au poids de l’État. Par conséquent, tandis que le Roi a toujours besoin de conseillers, cette assemblée peut s’en passer. En second lieu, les rois sont mortels ; les assemblées, au contraire, sont éternelles, et par suite, la puissance de l’État, une fois mise entre les mains d’une assemblée suffisamment nombreuse, ne revient jamais à la multitude, ce qui n’a pas lieu dans le gouvernement monarchique, ainsi que nous l’avons montré à l’article 25 du précédent chapitre. Troisièmement, le gouvernement d’un Roi est toujours précaire, à cause de l’enfance, de la maladie, de la vieillesse et autres accidents semblables ; au lieu que la puissance d’une assemblée subsiste une et toujours la même.

Quatrièmement, la volonté d’un seul homme est fort variable et fort inconstante, d’où il résulte que tout le droit de l’État monarchique est dans la volonté expliquée du Roi (comme nous l’avons fait voir dans l’article 1 du chapitre précédent), sans que pour cela toute volonté du Roi doive être le droit ; or cette difficulté disparaît quand il s’agit de la volonté d’une assemblée suffisamment nombreuse. Car cette assemblée, n’ayant pas besoin de conseillers (comme on vient de le dire), il s’ensuit que toute volonté expliquée émanant d’elle est le droit même. Je conclus de là que le gouvernement confié à une assemblée suffisamment nombreuse est un gouvernement absolu, ou du moins celui qui approche le plus de l’absolu ; car s’il y a un gouvernement absolu, c’est celui qui est entre les mains de la multitude tout entière.

4. Toutefois, en tant que le pouvoir dans un État aristocratique ne revient jamais à la multitude (ainsi qu’il a été expliqué plus haut) et que la multitude n’y a pas voix délibérative, toute volonté du corps des patriciens étant le droit, le gouvernement aristocratique doit être considéré comme entièrement absolu, et quand il s’agit d’en poser les bases, il faut s’appuyer uniquement sur la