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Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome II.djvu/7

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VI
LA VIE DE SPINOZA

ce qui l’ayant obligé à se tenir sur ses gardes et à s’écarter, il évita le coup, qui porta seulement dans ses habits. Il gardait encore alors le justaucorps percé du coup, en mémoire de cet événement. Cependant, ne se croyant plus assez en sûreté à Amsterdam, il ne songeait qu’à se retirer en quelque autre lieu à la première occasion ; car il voulait d’ailleurs poursuivre ses études et ses méditations physiques dans quelque retraite paisible et éloignée du bruit.

LES JUIFS L’EXCOMMUNIENT.

Il s’était à peine séparé des juifs et de leur communion qu’ils le poursuivirent juridiquement selon leurs lois ecclésiastiques et l’excommunièrent. Il a avoué plusieurs fois que la chose s’était ainsi passée, et déclaré que depuis il avait rompu toute liaison et tout commerce avec eux. C’est aussi ce dont M. Bayle convient, aussi bien que le docteur Musæus. Des juifs d’Amsterdam, qui ont très-bien connu Spinoza, m’ont pareillement confirmé la vérité de ce fait, ajoutant que c’était le vieux Chacham Abuabh, rabbin alors de grande réputation parmi eux, qui avait prononcé publiquement la sentence d’excommunication. J’ai sollicité inutilement les fils de ce vieux rabbin de me communiquer cette sentence ; ils s’en sont excusés sur ce qu’ils ne l’avaient pas trouvée parmi les papiers de leur père, quoiqu’il me fût aisé de voir qu’ils n’avaient pas envie de s’en dessaisir ni de la communiquer à personne.

Il m’est arrivé ici, à la Haye, de demander un jour à un savant juif quel était le formulaire dont on se servait pour interdire ou excommunier un apostat. J’en eus pour réponse qu’on le pouvait lire dans les écrits de Maimonides, au Traité Hilcoth Thalmud Thorah, chapitre 7, v. 2, et qu’il était conçu en peu de paroles. Cependant c’est le sentiment commun des interprètes de l’Écriture qu’il y avait trois sortes d’excommunication parmi les anciens juifs ; quoique ce sentiment ne soit pas suivi par le savant Jean Seldenus, qui n’en établit que deux dans son Traité (latin) du Sanhédrin des anciens Hébreux, livre 1, chapitre 7, page 64. Ils nommaient Niddui la première espèce d’excommunication, qu’ils partageaient en deux branches : premièrement, on séparait le coupable et on lui fermait l’entrée de la synagogue pour une semaine ; après