Page:Œuvres de Théophile Gautier - Poésies, Volume 1.djvu/138

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Au lieu de tout cela, sans doute, jeune fille,
Rêveuse, de tes doigts laissant fuir ton aiguille,
Vers le chemin désert tu tournes tes grands yeux,
Et, portant ta main blanche à ton front soucieux,
Tu te dis en toi-même : « Il ne vient pas ! » — tu pleures ;
Pleurer fait tant de bien ! — et, pour tromper tes heures,
Tu relis tous ces vers où je me racontais
Jusqu’au moindre détail, sans fard, — tel que j’étais,
Tel que je ne suis plus et que je voudrais être,
Car je serais heureux ; mais l’homme n’est pas maître
De faire revenir les fraîches passions
De l’enfance du cœur, et ces illusions
Si pénibles à perdre, et si vite perdues.
— L’ange du souvenir, les ailes étendues,
Remontant le passé, voltige autour de toi ;
Il te souffle à l’oreille une phrase de moi,
Un soupir, un serment, quelque mot tendre, et pose
Sur ta lèvre pâlie avec sa lèvre rose
Mes baisers d’autrefois, mes longs baisers d’amant,
Pour te les redonner, gardés fidèlement.