Page:Œuvres de Théophile Gautier - Poésies, Volume 1.djvu/151

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— Vois là-bas, tout là-bas, cette flèche d’église,
Qui pour te regarder lève sa tête grise
                Par-dessus l’horizon,
Te montre au doigt, te nargue, et, comme des reproches,
À ton oreille fait tinter ses quatre cloches
                Et galoper le son.

Hop ! hop ! mon andalous, mon noir, — plus vite encore !
Une course pareille à celle de Lénore !
                Je suis content, c’est bien.
Le clocher tout confus derrière un mont se cache,
L’oiseau qui te suivait à peine au ciel fait tache,
                Et je n’entends plus rien.

Mais, quoi donc ! tu faiblis. — Çà ! veux-tu que je teigne
Mes éperons en pourpre à ton flanc brun qui saigne ?
                Allons, courage, allons !
Car nous sommes suivis, mon brave, d’un Vampire,
Je sens, tiède à mon dos, le souffle qu’il aspire,
                Il est sur nos talons.

Que derrière tes pas cette porte se ferme,
Et nous sommes sauvés. — Nous touchons presque au terme ;
                Saute, vole, bondis ! —
Le monstre ne peut rien sur moi dans cette chambre
D’où s’exhale un parfum de fleurs, de femme et d’ambre,
                Comme d’un paradis !

N’as-tu pas vu son œil luire à la jalousie ?
Tout mon bonheur est là, toute ma poésie,
                Mes souvenirs, ma foi,
Tout, avec mon amour ; c’est ma pâle créole,
Le soleil de mon cœur, mon âme, mon idole,
                Ma Béatrix à moi.