Page:Œuvres de Théophile Gautier - Poésies, Volume 1.djvu/158

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VI

La femme du brasseur Cornelis met au monde,
Avant terme, un enfant couvert d’un poil immonde,
Et si laid que son père eût voulu le voir mort.
— On dit que Véronique avait sur l’accouchée
Depuis ce temps malade, et dans son lit couchée,
Par un mystère noir jeté ce mauvais sort.
Au reste, tous ces bruits, son air sauvage et louche
Les justifiait bien. — Œil vert, profonde bouche,
Dents noires, front coupé de rides, doigts noueux,
Dos voûté, pied tortu sous une jambe torse,
Voix rauque, âme plus laide encor que son écorce,
Le diable n’est pas plus hideux.

VII

Cette vieille sorcière habitait une hutte,
Accroupie au penchant d’un maigre tertre, en butte
L’été comme l’hiver au choc des quatre vents ;
Le chardon aux longs dards, l’ortie et le lierre
S’étendent à l’entour en nappe irrégulière ;
L’herbe y pend à foison ses panaches mouvants,
Par les fentes du toit, par les brèches des voûtes
Sans obstacle passant, la pluie à larges gouttes
Inonde les planchers moisis et vermoulus.
À peine si l’on voit dans toute la croisée
Une vitre sur trois qui ne soit pas brisée,
Et la porte ne ferme plus.