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Page:Œuvres de Théophile Gautier - Poésies, Volume 1.djvu/170

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XXX
C’était un engouement, un délire, une rage,
Des battements de mains, des bravos, un tapage,
Quand elle paraissait, à ne s’entendre pas.
— Jamais dilettanti n’ont du fond de leurs loges
Sur la prima dona fait pleuvoir plus d’éloges,
De bouquets et de vers, certes, qu’à chaque pas
La belle Véronique-aux bals, dans les théâtres,
Partout, — n’en recevait des Mein hers idolâtres.
— Les poëtes faisaient des sonnets sur ses yeux
Et l’appelaient soleil ou lune-en acrostiches ;
Les peintres barbouillaient son image, — et les riches
Se ruinaient à qui mieux mieux.


XXXI
Elle donnait le ton, et, reine de la mode,
Elle était adorée ainsi qu’une pagode ;
— Personne n’eût osé la contredire en rien : —
La forme des chapeaux, et la coupe des manches,
Lequel fait mieux, des fleurs ou bien des plumes blanches ?
Quelle parure sied ? — Quelle couleur va bien ?
S’il faut mettre du rouge ou non (question grave !)
Elle décidait tout. — La femme du margrave
Tielemanus Van Horn, la fille du vieux duc,
Avaient beau protester par leur mise hérétique,
— À peine voyait-on dans leur salon gothique
Un laid Sigisbeo caduc.