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Page:Œuvres de Théophile Gautier - Poésies, Volume 1.djvu/190

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LXX
Il prenait cependant son mal en patience.
— C’est un très-grand fléau qu’une grande science ;
Elle change un bambin en Géronte ; elle fait
Que, dès les premiers pas dans la vie, on ne trouve,
Novice, rien de neuf dans ce que l’on éprouve.
Lorsque la cause vient, d’avance on sait l’effet ;
L’existence vous pèse et tout vous paraît fade.
— Le piment est sans goût pour un palais malade.
Un odorat blasé sent à peine l’éther :
L’amour n’est plus qu’un spasme, et la gloire un mot vide,
Comme un citron pressé le cœur devient aride.
Don Juan arrive après Werther.


LXXI
Notre héros avait, comme ève sa grand’mère
Poussé par le serpent, mordu la pomme amère,
Il voulait être dieu. — Quand il se vit tout nu,
Et possédant à fond la science de l’homme,
Il désira mourir. — Il n’osa pas ; mais, comme
On s’ennuie à marcher dans un sentier connu,
Il tenta de s’ouvrir une nouvelle route.
Le monde qu’il rêvait, le trouva-t-il ? — J’en doute.
En cherchant il avait usé les passions,
Levé le coin du voile et regardé derrière.
— À vingt ans l’on pouvait le clouer dans sa bière,
Cadavre sans illusions.