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Page:Œuvres de Théophile Gautier - Poésies, Volume 1.djvu/199

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LXXXVIII
D’honneur, vous eussiez dit un boudoir de duchesse,
Tout s’y trouvait : — comfort, élégance et richesse.
— Sur un beau guéridon de bois de citronnier
Brillait, comme une étoile, une lampe d’albâtre
Qui jetait par la chambre un jour doux et bleuâtre.
— Des perles, de la soie, un coffre à clous d’acier,
De blondes sépias, de fraîches aquarelles,
Des albums, des écrans aux découpures frêles,
La dernière revue et le nouveau roman,
Un masque noir brisé, — mille riens fashionables,
Pêle-mêle jetés, jonchaient fauteuils et tables ;
— C’était un désordre charmant !


LXXXIX
Notre innamorata, couchée autant qu’assise
Sur un moelleux divan, jeta, comme surprise,
Un petit cri d’enfant, quand Albertus entra ;
Puis, — prenant d’un coup d’œil les conseils de la glace,
Refit bouffer sa manche et remit à leur place
Quelques rubans mutins. — Jamais la signora
N’avait été mieux mise ; elle était adorable,
En état d’amener une recrue au diable,
Autant que femme au monde, et même plus ; — Ses yeux
Noirs et brillants avaient, sous leurs longues paupières,
Tant de morbidezza, son geste et ses manières
Un abandon si gracieux !