Page:Œuvres de Théophile Gautier - Poésies, Volume 1.djvu/201

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XCII
Il luisait comme l’or au fond du vidrecome ;
— Un seul verre eût suffi pour étourdir un homme :
Albertus au second s’acheva de griser.
— À son œil fasciné chaque objet était double,
Tout flottait sans contour dans une vapeur trouble ;
Le plancher ondulait, les murs semblaient valser.
— La belle avait jeté toute honte en arrière,
Et, donnant à ses feux une libre carrière,
De ses bras convulsifs lui faisait un collier,
Se collait à son corps avec délire et fièvre,
Le prenait par la tête et jusque sur sa lèvre
Tâchait de le faire plier.


XCIII
Albertus n’était pas de glace ni de pierre :
— Quand même il l’eût été, sous la noire paupière
De la dame brillait un soleil dont le feu
Eût animé la pierre et fait fondre la glace :
— Un ange, un saint du ciel, pour être à cette place,
Eussent vendu leur stalle au paradis de Dieu.
— Oh ! Dit-il, mon cœur brûle à cette étrange flamme
Qui dans ton œil rayonne, et je vendrais mon âme
Pour t’avoir à moi seul tout entière et toujours.
— Un seul mot de ta bouche à la vie éternelle
Me ferait renoncer. — L’éternité vaut-elle
Une minute de tes jours !