Page:Œuvres de Théophile Gautier - Poésies, Volume 1.djvu/202

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XCIV
— Est-ce bien vrai cela ? Reprit la Véronique
Le sourire à la bouche et d’un air ironique,
Et répéteriez-vous ce que vous avez dit ?
— Que pour vous posséder je donnerais mon âme
Au diable, si le diable en voulait, oui, madame,
Je l’ai dit. — Eh bien ! Donc, à jamais sois maudit,
Cria l’ange gardien d’Albertus. Je te laisse,
Car tu n’es plus à Dieu. — Le peintre en son ivresse
N’entendit pas la voix, et l’ange remonta.
— Un nuage de soufre emplit la chambre, un rire
De Méphistophélès, que l’on ne peut décrire,
Tout à coup dans l’air éclata.


XCV
Comme ceux d’une orfraie ou d’un hibou dans l’ombre,
Les yeux de Véronique un instant d’un feu sombre
Brillèrent ; — cependant Albertus n’en vit rien,
Certes, s’il l’avait vu, quel que fût son courage,
À leur expression égarée et sauvage,
Il se serait signé de peur, — car c’était bien
Un regard exprimant un mal irrémédiable,
Un regard de damné demandant l’heure au diable.
— On y lisait : — Toujours, jamais, éternité.
C’était vraiment horrible. — Une prunelle d’homme,
À de pareils éclairs, mourrait et fondrait comme
Fond le bitume au feu jeté.