Page:Œuvres de Théophile Gautier - Poésies, Volume 1.djvu/22

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— Six ans, c’est un siècle aujourd’hui ; les plus modernes sont de 1831. — On verra s’il y a progrès.

Ce sont d’abord de petits intérieurs d’un effet doux et calme, de petits paysages à la manière de Flamands, d’une touche tranquille, d’une couleur un peu étouffée, ni grandes montagnes, ni perspective à perte de vue, ni torrents, ni cataractes. — Des plaines unies avec des lointains de cobalt, d’humbles coteaux rayés où serpente un chemin, une chaumière qui fume, un ruisseau qui gazouille sous les nénuphars, un buisson avec ses baies rouges, une marguerite qui tremble sous la rosée. — Un nuage qui passe jetant son ombre sur les blés, une cigogne qui s’abat sur un donjon gothique. — Voilà tout ; et puis pour animer la scène, une grenouille qui saute dans les joncs, une demoiselle jouant dans un rayon de soleil, quelque lézard qui se chauffe au midi, un alouette qui s’élève d’un sillon, un merle qui siffle sous une haie, une abeille qui picore et bourdonne. — Les souvenirs de six mois passé dans une belle campagne. — Çà et là, comme une aube de l’adolescence qui va luire, un désir, une larme, quelques mots d’amour, un profil de jeune fille chastement esquissé, une poésie tout enfantine, toute ronde et potelée où les muscles ne se prononcent pas encore. — À mesure que l’on avance, le dessin devient plus ferme, les méplats se font sentir, les os prennent de la saillie, et l’on aboutit à la légende semi-diabolique, semi-fashionable, qui a nom Albertus, et qui donne le titre au volume, comme la pièce la plus importante et la plus actuelle du recueil.

Si les études franches et consciencieuses peuvent ou-