Page:Œuvres de Théophile Gautier - Poésies, Volume 1.djvu/21

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comme les oiseaux, comme tout ce que l’homme n’a pu détourner et dépraver à son usage.

En général, dès qu’une chose devient utile, elle cesse d’être belle. — Elle rentre dans la vie positive ; de poésie elle devient prose ; de libre, esclave. — Tout l’art est là. — L’art, c’est la liberté, le luxe, l’efflorescence, c’est l’épanouissement de l’âme dans l’oisiveté. — La peinture, la sculpture, la musique ne servent absolument à rien. Les bijoux curieusement ciselés, les colifichets rares, les parures singulières, sont de pures superfluités. — Qui voudrait cependant les retrancher ? — Le bonheur ne consiste pas à avoir ce qui est indispensable ; ne pas souffrir n’est pas jouir ; et les objets dont on a le moins besoin sont ceux qui charment le plus. — Il y a et il y aura toujours des âmes artistes à qui les tableaux d’Ingres, et de Delacroix, les aquarelles de Boulanger et de Decamps, sembleront plus utiles que les chemins de fer et les bateaux à vapeur.

À tout cela, si on lui répond : « Fort bien, — mais vos vers ne sont pas beaux, » il passera condamnation et tâchera de s’amender. — Il espère toutefois qu’on voudra bien lui savoir gré de l’intention.

— Maintenant, deux mots sur ce volume. — Les pièces qu’il renferme ont été composées à de grandes distances les unes des autres, et imprimées au fur et à mesure, sans autre ordre que celui des dates qu’on n’a pas indiquées ; l’auteur n’a pas eu la prétention de faire des monuments. Les premières se rattachent presque à son enfance, les dernières, le poème surtout, le touchent de plus près ; les plus anciennes remontent jusqu’en 1826.