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Page:Œuvres de Théophile Gautier - Poésies, Volume 1.djvu/244

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Car tu n’as qu’une idée et qu’un amour au monde ;
Tout l’univers pour toi pivote sur un nom
Et le reste n’est rien que boue et fange immonde.

Sous le laurier mystique et le divin rayon,
Tu t’avances traîné par l’éclatant quadrige,
Entre la rêverie et l’inspiration.

Un chœur harmonieux autour de toi voltige,
C’est la chaste Uranie avec son globe bleu,
Penchant son front rêveur comme un lis sur sa tige,

Euterpe, Polymnie, un sein nu, l’œil en feu,
C’est Clio belle et simple en son manteau sévère ;
Tout le sacré troupeau qui te suit comme un dieu.

Les Grâces, dénouant leur ceinture légère,
Dansent derrière toi, sur le char triomphal ;
A l’égal d’un César le monde te révère.

A ta suite l’on voit l’orgueilleux cardinal,
Comme un pavot qui brille à travers l’or des gerbes,
D’écarlate et d’hermine inonder son cheval.

Rien n’y manque… Seigneurs blasonnés et superbes,
Prêtres, marchands, soldats, professeurs, écoliers,
Les vieillards tout chenus, et les pages imberbes ;

De beaux jeunes garçons et de blonds écuyers,
Soufflent allègrement aux bouches des trompettes
Et suspendent leurs bras aux crins blancs des coursiers.

Sur le devant du char les filles les mieux faites,
Les plus charmantes fleurs du jardin de beauté,
Font de leurs doigts de lis pleuvoir les violettes.