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Page:Œuvres de Théophile Gautier - Poésies, Volume 1.djvu/245

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Tu viens du Capitole où César est monté ;
Cependant tu n’as pas, ô bon François Pétrarque,
Mis pour ceinture au monde un fleuve ensanglanté.

Tu n’as pas, de tes dents, pour y laisser ta marque,
Comme un enfant mauvais, mordu ta ville au sein.
Tu n’as jamais flatté, ni peuple ni monarque.

Jamais on ne te vit, en guise de tocsin,
Sur l’Italie en feu faire hurler tes rimes,
Ton rôle fut toujours pacifique et serein.

Loin des cités, l’auberge et l’atelier des crimes,
Tu regardes, couché sous les grands lauriers verts,
Des Alpes tout là bas bleuir les hautes cimes.

Et penchant tes doux yeux sur la source aux flots clairs
Où flotte un blanc reflet de la robe de Laure ;
Avec les rossignols tu gazouilles des vers.

Car toujours, dans ton cœur, vibre un écho sonore,
Et toujours sur ta bouche on entend palpiter
Quelque nid de sonnets éclos ou près d’éclore.

Rêveur harmonieux, tu fais bien de chanter,
C’est là le seul devoir que Dieu donne aux poëtes,
Et le monde à genoux les devrait écouter.

Lorsqu’Amphion chantait, du creux de leurs retraites,
Les tigres tachetés et les grands lions roux
Sortaient en balançant leurs monstrueuses têtes.

Les dragons s’en venaient d’un air timide et doux,
De leur langue d’azur lécher ses pieds d’ivoire,
Et les vents suspendaient leur vol et leur courroux.