La pensée et la forme ont passé comme un rêve.
Mais que fait donc le temps de ce qu’il nous enlève ?
Dans quel coin du chaos met-il
Ces aspects oubliés comme l’habit qu’on change,
Tous ces moi du même homme ? et quel royaume étrange
Leur sert de patrie ou d’exil ?
Dieu seul peut le savoir, c’est un profond mystère ;
Nous le saurons peut-être à la fin, car la terre
Que la pioche jette au cercueil
Avec sa sombre voix explique bien des choses ;
Des effets, dans la tombe, on comprend mieux les causes.
L’éternité commence au seuil.
L’on voit… Mais veuillez bien me pardonner, madame,
De vous entretenir de tout cela. Mon âme,
Ainsi qu’un vase trop rempli,
Déborde, laissant choir mille vagues pensées,
Et ces ressouvenirs d’illusions passées
Rembrunissent mon front pâli.
« Eh ! que vous fait cela, dites-vous, tête folle,
De vous inquiéter d’une ombre qui s’envole ?
Pourquoi donc vouloir retenir
Comme un enfant mutin sa mère par la robe,
Ce passé qui s’en va ? De ce qu’il vous dérobe
Consolez-vous par l’avenir.
« Regardez ; devant vous l’horizon est immense ;
C’est l’aube de la vie et votre jour commence ;
Le ciel est bleu, le soleil luit ;
La route de ce monde est pour vous une allée,
Comme celle d’un parc, pleine d’ombre et sablée ;
Marchez où le temps vous conduit.
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