Page:Œuvres de Théophile Gautier - Poésies, Volume 1.djvu/308

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Ce monde-ci et l’autre
1833



Vos premières saisons à peine sont écloses,
Enfant, et vous avez déjà vu plus de choses
Qu’un vieillard qui trébuche au seuil de son tombeau.
Tout ce que la nature a de grand et de beau,
Tout ce que Dieu nous fit de sublimes spectacles,
Les deux mondes ensemble avec tous leurs miracles.
Que n’avez-vous pas vu ? les montagnes, la mer,
La neige et les palmiers, le printemps et l’hiver,
L’Europe décrépite et la jeune Amérique ;
Car votre peau cuivrée aux ardeurs du tropique,
Sous le soleil en flamme et les cieux toujours bleus,
S’est faite presque blanche à nos étés frileux.
Votre enfance joyeuse a passé comme un rêve
Dans la verte savane et sur la blonde grève ;
Le vent vous apportait des parfums inconnus ;
Le sauvage Océan baisait vos beaux pieds nus,
Et comme une nourrice au seuil de sa demeure
Chante et jette un hochet au nouveau-né qui pleure,
Quand il vous voyait triste, il poussait devant vous
Ses coquilles de moire et son murmure doux.
Pour vous laisser passer, jam-roses et lianes
Écartaient dans les bois leurs rideaux diaphanes ;
Les tamaniers