Page:Œuvres de Théophile Gautier - Poésies, Volume 1.djvu/320

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Car les anges du ciel, du reflet de leurs ailes,
Dorent de tes murs noirs les ombres solennelles,
    Et le Seigneur habite en toi.
Monde de poésie, en ce monde de prose,
A ta vue, on se sent battre au cœur quelque chose ;
    L’on est pieux et plein de foi !

Aux caresses du soir, dont l’or te damasquine,
Quand tu brilles au fond de ta place mesquine,
Comme sous un dais pourpre un immense ostensoir ;
A regarder d’en bas ce sublime spectacle,
On croit qu’entre tes tours, par un soudain miracle,
Dans le triangle saint Dieu se va faire voir.

Comme nos monuments à tournure bourgeoise
Se font petits devant ta majesté gauloise,
    Gigantesque sœur de Babel,
Près de toi, tout là-haut, nul dôme, nulle aiguille,
Les faîtes les plus fiers ne vont qu’à ta cheville,
    Et, ton vieux chef heurte le ciel.

Qui pourrait préférer, dans son goût pédantesque,
Aux plis graves et droits de ta robe Dantesque,
Ces pauvres ordres grecs qui se meurent de froid,
Ces panthéons bâtards, décalqués dans l’école,
Antique friperie empruntée à Vignole,
Et, dont aucun dehors ne sait se tenir droit.

O vous ! maçons du siècle, architectes athées,
Cervelles, dans un moule uniforme jetées,
    Gens de la règle et du compas ;
Bâtissez des boudoirs pour des agents de change,
Et des huttes de plâtre à des hommes de fange ;
    Mais des maisons pour Dieu, non pas !