Page:Œuvres de Théophile Gautier - Poésies, Volume 1.djvu/326

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Vous qui les avez vus et couverts de vos ombres,
O palmiers du Carmel ! ô cèdres du Liban !
Apprenez-nous qui donc il aimait mieux que Jean ?
Si vos troncs vermoulus et si vos tours minées,
Dans leur écho fidèle, ont, depuis tant d’années,
Parmi les souvenirs des choses d’autrefois,
Conservé leur mémoire et le son de leur voix ;
Parlez et dites-nous, ô forêts ! ô ruines !
Tout ce que vous savez de ces amours divines !
Dites quels purs éclairs dans leurs yeux reluisaient,
Et quels soupirs ardents de leurs cœurs s’élançaient !
Et toi, Jourdain, réponds, sous les berceaux de palmes,
Quand la lune trempait ses pieds dans tes eaux calmes,
Et que le ciel semait sa face de plus d’yeux,
Que n’en traîne après lui le paon tout radieux ;
Ne les as-tu pas vus sur les fleurs et les mousses,
Glisser en se parlant avec des voix plus douces
Que les roucoulements des colombes de mai,
Que le premier aveu de celle que j’aimai ;
Et dans un pur baiser, symbole du mystère,
Unir la terre au ciel et le ciel à la terre.

Les échos sont muets, et le flot du Jourdain
Murmure sans répondre et passe avec dédain ;
Les morts de Josaphat, troublés dans leur silence,
Se tournent sur leur couche, et le vent frais balance
Au milieu des parfums dans les bras du palmier,
Le chant du rossignol et le nid du ramier.

Frère, mais voyez donc comme la Madeleine
Laisse sur son col blanc couler à flots d’ébène
Ses longs cheveux en pleurs, et comme ses beaux yeux,
Mélancoliquement, se tournent vers les cieux !
Qu’elle est belle ! Jamais, depuis Ève la blonde,
Une telle beauté n’apparut sur le monde ;