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Page:Œuvres de Théophile Gautier - Poésies, Volume 1.djvu/327

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Son front est si charmant, son regard est si doux,
Que l’ange qui la garde, amoureux et jaloux,
Quand le désir craintif rôde et s’approche d’elle,
Fait luire son épée et le chasse à coups d’aile.

O pâle fleur d’amour éclose au paradis !
Qui répands tes parfums dans nos déserts maudits,
Comment donc as-tu fait, ô fleur ! pour qu’il te reste
Une couleur si fraîche, une odeur si céleste ?
Comment donc as-tu fait, pauvre sœur du ramier,
Pour te conserver pure au cœur de ce bourbier ?
Quel miracle du ciel, sainte prostituée,
Que ton cœur, cette mer, si souvent remuée,
Des coquilles du bord et du limon impur,
N’ait pas, dans l’ouragan, souillé ses flots d’azur,
Et qu’on ait toujours vu sous leur manteau limpide,
La perle blanche au fond de ton âme candide !
C’est que tout cœur aimant est réhabilité,
Qu’il vous vient une autre âme et que la pureté
Qui remontait au ciel redescend et l’embrasse,
comme à sa sœur coupable une sœur qui fait grâce ;
C’est qu’aimer c’est pleurer, c’est croire, c’est prier ;
C’est que l’amour est saint et peut tout expier.

Mon grand peintre ignoré, sans en savoir les causes,
Dans ton sublime instinct tu comprenais ces choses,
Tu fis de ses yeux noirs ruisseler plus de pleurs ;
Tu gonflas son beau sein de plus hautes douleurs ;
La voyant si coupable et prenant pitié d’elle,
Pour qu’on lui pardonnât, tu l’as faite plus belle,
Et ton pinceau pieux, sur le divin contour,
A promené longtemps ses baisers pleins d’amour ;
Elle est plus belle encor que la vierge Marie,
Et le prêtre, à genoux, qui soupire et qui prie,
Dans sa pieuse extase, hésite entre les deux,