Page:Œuvres de Théophile Gautier - Poésies, Volume 2, Lemerre, 1890.djvu/175

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Souvent sur cette idée affreuse
Fixe ton esprit éperdu :
Le teint jaune et la peau terreuse,
Vois-toi sur un lit étendu ;

Vois-toi brûlé, transi de fièvre,
Tordu comme un bois vert au feu,
Le fiel crevé, l’âme à la lèvre,
Sanglotant le suprême adieu,

Entre deux draps, dont l’un doit être
Le linceul où l’on te coudra,
Triste habit que nul ne veut mettre,
Et que pourtant chacun mettra.

Représente-toi bien l’angoisse
De ta chair flairant le tombeau,
Tes pieds crispés, ta main qui froisse
Tes couvertures en lambeau.

En pensée, écoute le râle,
Bramant comme un cerf aux abois,
Pousser sa note sépulcrale
Par ton gosier rauque et sans voix.

Le sang quitte tes jambes roides,
Les ombres gagnent ton cerveau,
Et sur ton front les perles froides
Coulent comme aux murs d’un caveau.

Les prêtres à soutane noire,
Toujours en deuil de nos péchés,
Apportent l’huile et le ciboire,
Autour de ton grabat penchés.