Page:Œuvres de Théophile Gautier - Poésies, Volume 2, Lemerre, 1890.djvu/186

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée



Et jamais de rayon qui brille dans l’ondée !
Dans cette vie abstraite et d’ombres inondée,
Jamais de point de feu, de paillette de jour ;
C’est un intérieur de Rembrandt dont on voile
La dalle lumineuse et la mystique étoile ;
C’est une nuit profonde où se perd tout contour !

V


Pourtant l’ange aux yeux bleus, aux ailes roses, l’ange
De l’inspiration, sur les chemins de fange,
Pour arriver à toi, pose ses beaux pieds blancs,
Et l’auréole d’or qui couronne sa tête
Dans ses cils diaprés des sept couleurs projette
        Des fantômes étincelants.

Alors, devant les yeux de ton âme en extase,
Chatoyante d’or faux, toute folle de gaze,
Comme aux pages d’Hugo ton cœur la demanda,
Avec ses longs cheveux que le vent roule et crêpe,
Jambe fine, pied leste et corsage de guêpe,
Vrai rêve oriental, passe l’Esméralda.

Roland le paladin, qui, l’écume à la bouche,
Sous un sourcil froncé roule un œil fauve et louche,
Et sur les rocs aigus qu’il a déracinés,
Nud, enragé d’amour, du feu dans la narine,
Fait saillir les grands os de sa forte poitrine
        Et tord ses membres enchaînés.