Page:Œuvres de Théophile Gautier - Poésies, Volume 2, Lemerre, 1890.djvu/185

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C’est là, mon Duseigneur, qu’on peut aimer et vivre.
Oh ! respirer cet air si doux qu’il vous enivre,
Ce parfum d’oranger, de femme et de soleil ;
Près de la mer d’azur aux bruissements vagues,
Dont le vent frais des nuits baise en passant les vagues,
Se sentir en aller dans un demi-sommeil !

Oh ! sur le fût brisé d’une colonne antique,
Sous le pampre qui grimpe au long du blanc portique,
Avoir à ses genoux une contadina
Au collier de corail, à la jupe écarlate,
Cheveux de jais, œil brun où la pensée éclate,
        Une sœur de Fornarina !


IV


Tout cela, c’est un rêve. — Il nous faut, dans la brume
De ce Paris grouillant qui bourdonne et qui fume,
Traîner des jours éteints, dès leur aube ternis ;
Pour perspective avoir des façades blafardes,
Ouïr le brait des chars et ces plaintes criardes
De l’ouragan qui bat à nos carreaux jaunis !

Voir sur le ciel de plomb courir les pâles nues,
Les grêles marronniers bercer leurs cimes nues,
Longtemps avant le soir, derrière les toits gris,
Le soleil s’enfoncer comme un vaisseau qui sombre,
Et le noir crépuscule ouvrir son aile sombre,
        Son aile de chauve-souris…