Page:Œuvres de Théophile Gautier - Poésies, Volume 2, Lemerre, 1890.djvu/23

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LA VIE DANS LA MORT

I

 
C’était le jour des morts : Une froide bruine
Au bord du ciel rayé, comme une trame fine,
        Tendait ses filets gris ;
Un vent de nord sifflait ; quelques feuilles rouillées
Quittaient en frissonnant les cimes dépouillées
        Des ormes rabougris ;

Et chacun s’en allait dans le grand cimetière,
Morne, s’agenouiller sur le coin de la pierre
        Qui recouvre les siens,
Prier Dieu pour leur âme, et, par des fleurs nouvelles,
Remplacer en pleurant les pâles immortelles
        Et les bouquets anciens.

Moi, qui ne connais pas cette douleur amère,
D’avoir couché là-bas ou mon père ou ma mère
        Sous les gazons flétris,
Je marchais au hasard, examinant les marbres,
Ou, par une échappée, entre les branches d’arbres,
        Les dômes de Paris ;