L’on en voit qui n’ont pas d’épitaphe à leurs tombes,
Et de leurs trépassés font comme aux catacombes
Un grand entassement ;
Dont le cœur est un champ uni, sans croix ni pierres,
Et que l’aveugle Mort de diverses poussières
Remplit confusément.
D’autres, moins oublieux, ont des caves funèbres
Où sont rangés leurs morts, comme celles des Guèbres
Ou des Égyptiens ;
Tout autour de leur cœur sont debout les momies,
Et l’on y reconnaît les figures blêmies
De leurs amours anciens.
Dans un pur souvenir chastement embaumée
Ils gardent au fond d’eux l’âme qu’ils ont aimée ;
Triste et charmant trésor !
La mort habite en eux au milieu de la vie ;
Ils s’en vont poursuivant la chère ombre ravie
Qui leur sourit encor.
Où ne trouve-t-on pas, en fouillant, un squelette ?
Quel foyer réunit la famille complète
En cercle chaque soir ?
Et quel seuil, si riant et si beau qu’il puisse être,
Pour ne pas revenir n’a vu sortir le maître
Avec un manteau noir ?
Cette petite fleur, qui, toute réjouie,
Fait baiser au soleil sa bouche épanouie,
Est fille de la mort.
En plongeant sous le sol, peut-être sa racine,
Dans quelque cendre chère a pris l’odeur divine
Qui vous charme si fort.
Page:Œuvres de Théophile Gautier - Poésies, Volume 2, Lemerre, 1890.djvu/40
Apparence
Cette page n’a pas encore été corrigée