Page:Œuvres de Théophile Gautier - Poésies, Volume 2, Lemerre, 1890.djvu/45

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Je n’ai pu de mon puits tirer que de l’eau claire ;
Le Sphinx interrogé continue à se taire ;
        Si chauve et si cassé,
Hélas ! j’en suis encore à peut-être, et que sais-je ?
Et les fleurs de mon front ont fait comme une neige
        Aux lieux où j’ai passé.

Malheureux que je suis d’avoir sans défiance
Mordu les pommes d’or de l’arbre de science !
        La science est la mort.
Ni l’upa de Java, ni l’euphorbe d’Afrique,
Ni le mancenilier au sommeil magnétique.
        N’ont un poison plus fort.

Je ne crois plus à rien. J’allais, de lassitude,
Quand vous êtes venus, renoncer à l’étude
        Et briser mes fourneaux.
Je ne sens plus en moi palpiter une fibre,
Et comme un balancier seulement mon cœur vibre
        A mouvements égaux.

Le néant ! Voilà donc ce que l’on trouve au terme !
Comme une tombe, un mort, ma cellule renferme
        Un cadavre vivant.
C’est pour arriver là que j’ai pris tant de peine,
Et que j’ai sans profit, comme on fait d’une graine,
        Semé mon âme au vent.

Un seul baiser, ô douce et blanche Marguerite,
Pris sur ta bouche en fleur, si fraîche et si petite,
        Vaut mieux que tout cela.
Ne cherchez pas un mot qui n’est pas dans le livre ;
Pour savoir comme on vit n’oubliez pas de vivre.
        Aimez, car tout est là !