leurs listes remplies
Et qui cherchent encor ! Que de lèvres pâlies
Sous les plus doux baisers,
Et qui n’ont jamais pu se joindre à leur chimère !
Que de désirs au ciel sont remontés de terre
Toujours inapaisés !
Il est des écoliers qui voudraient tout connaître,
Et qui ne trouvent pas pour valet et pour maître
De Méphistophélès.
Dans les greniers, il est des Faust sans Marguerite
Dont l’enfer ne veut pas et que Dieu déshérite ;
Tous ceux-là, plaignez-les !
Car ils souffrent un mal, hélas ! inguérissable ;
Ils mêlent une larme à chaque grain de sable
Que le temps laisse choir.
Leur cœur, comme un orfraie au fond d’une ruine,
Râle piteusement dans leur maigre poitrine
L’hymne du désespoir.
Leur vie est comme un bois à la fin de l’automne,
Chaque souffle qui passe arrache à leur couronne
Quelque reste de vert.
Et leurs rêves en pleurs s’en vont fendant les nues,
Silencieux, pareils à des files de grues
Quand approche l’hiver.
Leurs tourments ne sont point redits par le poète ;
Martyrs de la pensée, ils n’ont pas sur leur tête
L’auréole qui luit ;
Par les chemins du monde ils marchent sans cortége,
Et sur le sol glacé tombent comme la neige
Qui descend dans la nuit.
Page:Œuvres de Théophile Gautier - Poésies, Volume 2, Lemerre, 1890.djvu/47
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