Page:Œuvres de Théophile Gautier - Poésies, Volume 2, Lemerre, 1890.djvu/50

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Entends-tu le hibou qui jette ses cris aigres ?
Entends-tu dans les bois hurler les grands loups maigres ?
        O vieillard sans raison !
Rentre, c’est le moment où la lune réveille
Le vampire blafard sur sa couche vermeille ;
        Rentre dans ta maison.

Le vent moqueur a pris ta chanson sur son aile,
Personne ne t’écoute, et ta cape ruisselle
        Des pleurs de l’ouragan…
Il ne me répond rien ; dites quel est cet homme
O mort, et savez-vous le nom dont on le nomme !
        Cet homme, c’est don Juan.


VII

 

DON JUAN.

Heureux adolescents, dont le cœur s’ouvre à peine
Comme une violette à la première haleine
        Du printemps qui sourit,
Ames couleurs de lait, frais buissons d’aubépine
Où, sous le pur rayon, dans la pluie argentine
        Tout gazouille et fleurit.

O vous tous qui sortez des bras de votre mère
Sans connaître la vie et la science amère,
        Et qui voulez savoir,
Poètes et rêveurs, plus d’une fois, sans doute,
Aux lisières des bois, en suivant votre route
        Dans la rougeur du soir,

A l’heure enchanteresse, où sur le bout des branches
On voit se becqueter les tourterelles blanches
        Et les bouvreuils au nid,
Quand la nature lasse en s’endormant soupire,
Et que la feuille au vent vibre comme une lyre
        Après le chant fini ;