Page:Œuvres de Théophile Gautier - Poésies, Volume 2, Lemerre, 1890.djvu/56

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Une ombre, dos voûté, front penché, dans la brise
Passa. C’était bien LUI, la redingote grise
        Et le petit chapeau.
Un aigle d’or planait sur sa tête sacrée,
Cherchant, pour s’y poser, inquiète effarée,
        Un bâton de drapeau.

Les squelettes tâchaient de rajuster leurs têtes,
Le spectre du tambour agitait ses baguettes
        A son pas souverain ;
Une immense clameur volait sur son passage,
Et cent mille canons lui chantaient dans l’orage
        Leur fanfare d’airain.

Lui ne paraissait pas entendre ce tumulte,
Et, comme un Dieu de marbre, insensible à son culte,
        Marchait silencieux ;
Quelquefois seulement, comme à la dérobée,
Pour retrouver au ciel son étoile tombée
        Il relevait les yeux

Mais le ciel empourpré d’un reflet d’incendie,
N’avait pas une étoile, et la flamme agrandie
        Montait, montait toujours.
Alors, plus pâle encor qu’aux jours de Sainte-Hélène,
Il refermait ses bras sur sa poitrine pleine
        De gémissements sourds.

Quand il fut devant nous : Grand empereur, lui dis-je,
Ce mot mystérieux que mon destin m’oblige
        A chercher ici-bas,
Ce mot perdu que Faust demandait à son livre,
Et don Juan à l’amour, pour mourir ou pour vivre,
        Ne le sauriez-vous pas ?