Page:Œuvres de Théophile Gautier - Poésies, Volume 3, Lemerre, 1890.djvu/118

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Le porche à la lune se ronge,
Le temps le sculpte à sa façon,
Et la pluie a passé l’éponge
Sur les couleurs de mon blason.

Tout ému, je pousse la porte,
Qui cède et geint sur ses pivots ;
Un air froid en sort et m’apporte
Le fade parfum des caveaux.

L’ortie aux morsures aiguës,
La bardane aux larges contours,
Sous les ombelles des ciguës,
Prospèrent dans l’angle des cours.

Sur les deux chimères de marbre,
Gardiennes du perron verdi,
Se découpe l’ombre d’un arbre
Pendant mon absence grandi.

Levant leurs pattes de lionne,
Elles se mettent en arrêt ;
Leur regard blanc me questionne,
Mais je leur dis le mot secret.

Et je passe. — Dressant sa tête,
Le vieux chien retombe assoupi,
Et mon pas sonore inquiète
L’écho dans son coin accroupi.

Un jour louche et douteux se glisse
Aux vitres jaunes du salon
Où figurent, en haute lisse,
Les aventures d’Apollon :