Page:Œuvres de Théophile Gautier - Poésies, Volume 3, Lemerre, 1890.djvu/48

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Comme dans l’eau bleue et profonde
Où dort plus d’un trésor coulé,
On y découvre à travers l’onde
La coupe du roi de Thulé.

Sous leur transparence verdâtre
Brille, parmi le goëmon,
L’autre perle de Cléopâtre
Près de l’anneau de Salomon.

La couronne au gouffre lancée
Dans la ballade de Schiller,
Sans qu’un plongeur l’ait ramassée,
Y jette encor son reflet clair.

Un pouvoir magique m’entraîne
Vers l’abîme de ce regard,
Comme au sein des eaux la sirène
Attirait Harald Harfagar.

Mon âme, avec la violence
D’un irrésistible désir,
Au milieu du gouffre s’élance
Vers l’ombre impossible à saisir.

Montrant son sein, cachant sa queue,
La sirène amoureusement
Fait ondoyer sa blancheur bleue
Sous l’émail vert du flot dormant.

L’eau s’enfle comme une poitrine
Aux soupirs de la passion ;
Le vent, dans sa conque marine,
Murmure une incantation.