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RÉFLEXIONS SUR DIVERS SUJETS.


apprendre, mais il est bon de ne pas les négliger entière- ment; car il n'y a point de science qui ne puisse agrandir l'esprit, et, si la vie humaine n’était pas si courte, il n’en faudrait point rejeter. Il convient donc a un homme, qui a l’esprit facile et pénétrant, de prendre une forte teinture des sciences nécessaires pour comprendre, s'il se peut, les pre- mières lois du monde matériel; pourvu cependant qu’il ré- serve son application principale pourle monde spirituel, où sont renfermés ses plaisirs, ses devoirs, ses attachements, et sa fortune. ll doit laisser aux physiciens et aux géomè- tres la partialité singulière qu’ils ont pour leurs études: pendant que ces grands observateurs de la nature se van- tent qu’il n'y a point de certitude hors des mathématiques, l'homme d’un esprit flexible et délié apprend, par le com- merce des homme , le secret d'aller à. ses fins' ; il sonde les routes du cœur, s’instruit des ressorts de l'âme, et, au moyen d’ une science, incertaine selon les mathématiciens, se procure certainement les plus grands avantages de la vie. Peu jaloux des expériences de Pélectricité ou de la pesanteur, ou de tel autre effet encore plus rare, dont les causes sont ignorées; moins occupé de calculs que de sen- timents, il fait des expériences de llhumanité, du courage et de la prudence. Il ne prétend pas cependant détoumer les physiciens ou les géomètres de leurs études, pour les engager a celle de l'homme; il sait trop que ceux qui ré- fléchissent avec quelque profondeur, sont déterminés in- vinciblement par la nature à approfondir de certains objets, et non les autres; qu’il faut que chacun obéisse a la loi de son instinct et aux convenances de sa fortune, et qu’il est bon, d’ailleurs, que l’esprit de tous les hommes ne soit pas tourné vers le méme objet.] l Ici, et dans maint autre passage de son livre, Vauvenargues trahit Verrière- pensée de ses études. La spéculation n’est pourlui que le moyen de Faction; il étudie le monde, moins pour le peindre, que pour le gouverner, et, comme nous l'svons dit dans notre Éloge, il a voulu conduire la hommes count de les instruire. - G. 8