Page:Œuvres de Vauvenargues (1857).djvu/222

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fait que changer de vices: quand cela serait, dira-t-on que les mœurs des Italiens soient aussi estimables que celles des anciens Romains, qui leur avaient soumis toute’la terre ’ 2 et l’avilissement des Grecs, esclaves d’un peuple barbare, sera·t—il égalé a la gloire, aux talents, a la politesse de l’ancienne Athènes ? S’il y a des vices qui rendent les peuples plus heureux, plus estimés et plus creints, ne méritent-ils pas qu’on les préfère à. tous les autres? Que sera—ce si ces prétendus vices, qui soutiennent les empires et les font fleurir, sont de véritables vertus * ?

Je n’outrerai rien, si je puis : les hommes n’ont jamais échappé à la misère de leur condition; composés de mauvaises et de bonnes qualités, ils portent toujours dans leur fonds les semences du bien et du mal. Qui fait donc prévaloir les unes sur les autres? qui fait que le vice l’emporte, ou la vertu? l’opinion. Nos passions, en partie mauvaises, en partie très-bonnes, nous tiendraient peut-être en suspens, si l’opinion, en se rangeant d’un côté, ne faisait pencher la balance. Ainsi, des qu’on pourra nous persuader que c’est une duperie d’ètre bon ou juste, des lors il est à. craindre que le vice, devenu plus fort, n’acheve d’étouil`er les sentiments qui nous sollicitent au bien; et voila l’état où nous sommes. Nous ne sommes pas nés si faibles et si frivoles qu’on nous le reproche; mais l’opinion nous a fait tels. On ne sera donc pas s1n·pris si j’emploie beaucoup de raisonnements dans ce discours; car, puisque notre plus grand mal est dans l’esprit, il faut bien commencer par le guérir.

Ceux qui n’approf0ndissent pas beaucoup les choses, objectent le progrès des sciences, l’esprit de raisonnement répandu dans tous les états, la politesse, la délicatesse, la subtilité de ce siècle, comme des faits qui contrarient et qui détruisent ce que j‘etablis. Je réponds a

  • Phrase incorrecte; qui est pour lesquelles mœurs. — G.
  • Rnpprochez du lt3• chap. de Plntreducliun si la Connaissance de I’Esprit humain (Du bien et du mal moral). — G.