meurt sous _ses chaines; un misérable àl la torture retient
encore moins de puissanœ; le premier n’est contraint que
dans l'action du corps, celui-ci ne peut pas meme varier ses
sentiments; le corps et l'esprit sont génés dans un degré
presque égal; et, sans chercher des exemples si loin de
notre sujet, les odeurs, les sons, les saveu1·s, tous les ob-
lets des sens, et tous ceux des passions, nous alfectent mal-
gré nous; personne n'en disconviendra. Notre âme a donc
été formée avec la puissance d’agir , mais il n’est pas tou-
lours en elle de conduire son action : cela ne peut se mettre ·
en doute. ·
Les hommes ne sont pas assez aveugles pour ne pas aper-
tevoir une si vive lumière, et pourvu qu'on leur accorde
qu’ils sont libres en d’autres occasions, ils sont contents.
Ur, il est impossible de leur refuser ce dernier point : il y
aurait dela mauvaise foi à le nier; cependant ils se trom-
pent dans les conséquences qu’i1s en tirent; car ils regar-
lent cette volonté qui conduit leurs actions comme le pre-
mier principe de toutce qui esten eux, et comme un principe
indépendant; sentiment qui est faux de tout point, car la
volonté n’est qu'un désir qui n’est point combattu, qui a
son objet en sa puissance, ou qui du moins croit l'avoir; et
meme, en supposant que ce n’est pas cela, on n'évite pas
de tomber dans une extreme absurdité. Suivez bien mon
raisonnement; je demande à ceux qui regardent cette
volonté souveraine comme le principe suprême de tout ce _
pfils trouvent en eux : S’il est vrai que la volonté soit en
sous le premier principe, tout ne doit-il pas dériver de ce
bnds et de cette cause? Cependant combien de pensées qui
me sont pas volontaires! combien méme de volontés oppo-
sées les unes aux autres_! quel chaosl quelle confusion l Je
sais bien que l'on me dira que la volonté n’est la cause que .
est encore capable de volonté, dans le moment méme où son corps n’est plus
vapable d'action; sa liberté ne meurt pas dam les tortures, car, cette cout'-
ranœ qui vlent L bout de sa chair, il est libre encore de la dominer par la
·olont«'·, et de prouver, comme les martyrs, par exemple, que si le bourreau
veut réduire le corps, il ne peut, du moins, réduire l'àmc. - G.
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TRAITÉ SUR LE LIBRE ARBITRE.