202 murs le bien et le mal nous meuvent également d’une manière immédiate; il demeure inébranlable, dans l’une et l’autre hypothèse, que nos passions et nos idées actuelles sont le principe universel de toutes nos volontés. Je crois l‘avoir démontré d’une manière évidente; mais comme les exemples sont bien plus palpables que les meilleures raisons, je veux en donner encore un ' ; vous y pourrez suivre a loisir tous les mouvements de l'esprit. Représentez—vous donc un homme d’une santé languis- sante et d'un esprit corrompu ; placez-le auprès d' une femme aussi corrompue que lui; Yindécence de cet exemple doit le rendre encore plus sensible; d'ailleurs il a ses modèles dans toutes les conditions. J’unis par les nœuds les plus forts, des cœurs unis par leurs penchants; mais je suppose que cet homme est exténué de débauches; ses lâches habi- tudes ont détruit sa santé; cependant il n'est pas auprès de sa maîtresse pour les renouveler toujours; il n'est venu que pour la voir; sa pensée ¤'ose aller plus loin, parce qu’il souffre et qu’il languit; voila une résolution prise sur sa _ langueur présente et le souvenir du passé. Remarquez que sa volonté ne se forme pas d'elle-meme; cela est essentiel. Cette volonté néanmoins ne doit pas trop nous arréter : tout est vicieux au sein du vice; la sagesse d'un homme faible est aussi fragile que lui; foccasion en est le tombeau. Voici donc déjà l’habitude qui combat les sages conseils. L’habi- · tude est toujours puissante, méme sur un corps languissant; pour peu que les esprits soit mus, leurs profondes traces se rouvrent, et leur donnent un cours plus facile. Près de l’objet de son amour, l‘homme que je viens de vous peindre éprouve ce fatal pouvoir; son sang circule avec vitesse, sa faiblesse méme s'anime, ses craintes et ses réllexions dis- paraissent comme des ombres. Pourrait—il songer à la mort lorsqu'i] sent renaître sa vie, et prévoir la douleur lorsqu‘il est enivré de plaisir? Sa force et son feu se ralluinent. Ce • Cc n'est pas un nouvel exemple; Vauvenargues l'a déja pris plus haut, mais il le développe ici plus longuement. - G.
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Apparence